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La vie avec un chien Répliques (France Culture)
vendredi 5 mai 2023, par
Conversation autour de ce compagnon familier, intime, qu’est le chien, avec Claudie Hunzinger et Cédric Sapin-Defour.
Avec
Claudie Hunzinger Autrice et artiste-plasticienne
Cédric Sapin-Defour auteur et alpiniste
Alain Finkielkraut s’entretient avec Claudie Hunzinger, auteure d’Un chien à ma table et Cédric Sapin-Defour, qui fait paraître Son odeur après la pluie : deux écrivains qui nous racontent le lien intense qu’ils ont entretenu avec leur chien. L’amour pour l’être humain qui partage leur vie y a aussi sa place, et ces deux textes sont l’un et l’autre, un enchantement.
"Ubac, c’est son nom (la recherche du juste nom est à elle seule une aventure), n’est pas le personnage central de ce livre, Cédric Sapin-Defour, son maître, encore moins. D’ailleurs, il ne veut pas qu’on le considère comme un maître. Le héros, c’est leur lien. Ce lien unique, évident et, pour qui l’a exploré, surpassant tellement d’autres relations. Ce lien illisible et inutile pour ceux à qui la compagnie des chiens n’évoque rien. Son odeur après la pluie, Cédric Sapin-Defour, (éd. Stock)
"Un soir, une jeune chienne, traînant une sale histoire avec sa chaîne brisée, surgit à la porte d’un vieux couple : Sophie, romancière, qui aime la nature et les marches en forêt et son compagnon Grieg, déjà sorti du monde, dormant le jour et lisant la nuit, survivant grâce à la littérature." Un chien à ma table, Claudie Hunzinger (éd. Grasset).
"J’ai lu avec émerveillement le livre de Claudie Hunzinger, Un chien à ma table, et celui de Cédric Sapin-Defour, Son odeur après la pluie. J’y ai appris, en effet, que les chiens, ces animaux domestiques, avaient quelque chose à nous apprendre, et qu’il est utile sinon salutaire, de faire avec eux, un pas de côté." Alain Finkielkraut
Qui est le chien de "Un chien à ma table" ?
"Avant de venir à Yes, le personnage de Un chien à ma table, il me semble qu’il faut d’abord que je revienne beaucoup plus loin en amont, à mes quatre ans, à mes cinq ans, quand, à cet âge-là, j’étais un petit chien. J’ai d’abord été un petit chien avant d’être une petite fille. Et ce petit chien que j’étais était en rupture avec ma famille, il était rudoyé, parfois tabassé, il tirait la langue à l’école, et il mordait ses petits camarades. Je crois que j’ai appris cette façon-là de quitter le groupe des humains, à partir d’un petit chien qui était dans la famille, mais dont je ne me souviens pas." Claudie Hunzinger
"Je me rappelle qu’enfant, l’accès à l’âge adulte, c’était notamment la possibilité de faire le choix de cette compagnie" (C. Sapin-Defour)
"On aurait pu parler des chiens, on aurait même pu parler de l’animal et là, nous débutons cette discussion en parlant d’Ubac qui était - puisqu’il est mort - un être vivant, bien vivant, un individu doté d’une vie psychique profonde, d’une intériorité. C’était le chien rassembleur de tous les chiens que j’avais pu croiser dans mon existence, qui n’avaient jamais été les miens, il s’agissait toujours des chiens des autres, les chiens de la famille, des amis, des chiens de passage. Je me rappelle qu’enfant, pour moi la définition de l’accès à l’âge adulte, c’était notamment la possibilité de faire le choix de cette compagnie." Cédric Sapin-Defour
Donner un nom
"Yes : ce nom m’est venu immédiatement lorsque cette petite chienne est arrivée. Je l’ai appelée yes, parce qu’elle était mal en point, ’elle demandait de l’aide, elle s’était mise sur le dos, elle avait révélé qu’elle était une femelle, donc ce Yes peut se prendre de différentes façons. C’est le Yes de la narratrice, "Je te réponds oui, OUI, je te prends, oui, on va faire amitié". Et puis, c’est aussi le Yes féminin à la vie, le Yes inaugural." Claudie Hunzinger
"C’est assez vertigineux de donner un nom. Il faut mettre un peu de soi, un peu de ses attentes, un peu de ses peurs, moi je n’ai pas eu une réaction spontanée, je n’ai pas eu un Yes qui est venu à moi, j’ai beaucoup cherché, j’ai beaucoup raturé, j’ai attendu, ca a été un long périple." Cédric Sapin-Defour
"J’ai une histoire personnelle qui est très liée à la montagne ; à la pratique de la montagne mais aussi au fait d’éprouver la montagne, et ce versant qui est à l’abri du soleil, que chez moi on appelle l’envers, le revers, qu’on appelle aussi l’Ubac, et je trouvais, au moment où je partageais ma vie avec Ubac que c’était un nom qui lui allait merveilleusement bien, parce que c’est un versant où on se tapit, où on observe le monde sans être vu, mais où on ne refuse pas les clartés du monde, elles sont juste là." Cédric Sapin-Defour
"Les chiens sont de grands humanistes. Ce sont peut-être les derniers humanistes." (C. Hunzinger)
"La vie de cette petite chienne a tout à coup bousculé la vie ; elle a mis la vie en mouvement, elle a sorti la narratrice, elle l’a tirée dehors, elle lui a réappris à marcher. et oui, on pourrait penser que cela se passe seulement là avec ce chien, mais ça ne s’est pas passé seulement là avec ce chien, parce qu’il se trouve que je suis écrivain.e, et qu’il y a quelque chose qui se joue toujours entre le chien qui est là et l’être humain qui est là et qui a son métier. Les chiens sont de grands humanistes. Ce sont peut-être les derniers humanistes." Claudie Hunzinger
"Parfois, il suffit de pas grand chose pour voir différemment le monde. Il suffit de s’asseoir au sol et tout d’un coup, la terre tourne autrement, les êtres que nous croisons endossent de nouvelles perspectives, même l’air se modifie. J’ai passé une vie par terre, à grands coups de frottements, de percussions au sol, mais lorsque j’essaie de définir ce qui me manque aujourd’hui le plus de cette compagnie joyeuse, de cette compagnie humaniste, de cette compagnie silencieuse avec Ubac, c’est d’être de nouveau debout. J’ai adoré être mis au sol". Cédric Sapin-Defour
Sources bibliographiques
Claudie Hunzinger, Un chien à ma table éd Grasset
Cédric Sapin-Defour, Son odeur après la pluie éd. Stock
Virginia Woolf, Flush éd. Le bruit du temps
Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxie éd. Flammarion
Marlen Haushofer, Le mur invisible éd. Actes Sud
Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être éd. Gallimard